
Pour ceux qui ne connaîtraient pas bien l’anglais, je résumerais en disant que, pour Blavatsky, les sages du bouddhisme considèrent qu’il n’y a pas un Créateur, mais une infinité de puissances créatrices qui collectivement constituent une substance éternelle qu’on ne peut scruter, dont on ne peut rien dire en soi. En revanche, la philosophie peut évoquer de façon précise les puissances spirituelles créatrices
- que Blavatsky, ailleurs, assimile aux Anges, tels que saint Paul les nomme, les différenciant selon leur rang (ces noms sont invisibles dans la traduction ordinaire en français, qui les a uniformisés). Pour elle, le dieu unique personnifié dans ses actions n’a de sens que s’il est une puissance angélique agissant en particulier, au nom en quelque sorte du concert universel des Puissances. Car il va sans dire qu’elle partage ce qu’elle regarde comme étant la vraie doctrine bouddhique…

Blavatsky s’opposait ainsi à saint Augustin, qui confessait d’ailleurs ne pas comprendre comment il était possible de créer l’idée de création avant qu’elle ne fût créée! Car il assimilait le dieu absolu, éternel, incompréhensible - dont il avait conscience -, au créateur du monde, qui ressemble déjà à un être humain, puisqu’il peut être représenté dans une action: chose contradictoire. Blavatsky rejetait cet anthropomorphisme, mais, à ses yeux, le bouddhisme n’était pas positiviste ou naturaliste, puisqu’il se fondait sur des entités créatrices - qui, quant à elles, entretenaient bien des rapports avec les hommes. De fait, dans le Dhammapada, il est écrit - par exemple - que l’on doit suivre le chemin d’Indra - l’imiter. Or, ce dieu est censé avoir créé une partie du monde, celle qui entretient un rapport particulier avec les sociétés humaines.
Il n’y a d’ailleurs pas, en Thaïlande ou au Cambodge, d’opposition de principe entre le bouddhisme officiel et le Râmâyâna, la grande épopée indienne, que les ballets royaux représentent, et que le peuple récite. Mais on doit admettre que le christianisme classique n’y trouverait pas aisément sa place.