Dans le dernier épisode de cette étrange histoire, nous avons laissé notre récit alors que nous disions que Fantômas voulait voler la puissance secrète de Paris et renverser les obstacles qui selon lui s'opposaient à son désir, dont il pensait, dans le même temps, qu'il accomplissait le véritable destin de Paris – c'est à dire flamboyer, jusqu'à devenir un nouvel astre céleste!
Fantômas tenait donc à éliminer la puissance du Génie d'or, et à abattre la statue du génie de la liberté par laquelle elle transitait lorsqu'elle voulait s'exercer sur terre – même si pour lui il ne s'agissait que d'illusion, et si le Génie d'or n'était à ses yeux qu'un leurre créé artificiellement pour l'égarer, et l'empêcher de faire de Paris le paradis terrestre qu'il désirait. Assurément, croyait-il, on avait tissé ce charme pour l'aveugler! Il ne croyait pas qu'il émanait de la volonté des dieux. Pour lui, ceux-ci se moquaient de la Terre et de ses habitants; ils ne s'y intéressaient aucunement. Ils laissaient aux plus éclairés, aux plus rusés, aux plus talentueux le soin de bâtir l'avenir, et en son sein le monde des rêves!
Et il se voyait tel, songeant que s'il parvenait à capter la force occulte de la pieuvre des profondeurs, il parviendrait à devenir l'égal des dieux suprêmes, paisibles, insignes, au-dessus de toute chose du monde. Cette pieuvre, cette bête douée de conscience et qui somnolait au fond de l'abîme, il l'appelait Khëliüd, parce qu'il l'avait entendue prononcer ce mot, lorsqu'il l'avait approchée, au bord du gouffre. Il n'avait osé encore descendre la voir, car ses tentacules bougeaient lentement mais leur puissance pouvait assurément le broyer. Ses yeux avaient brillé dans les ténèbres d'une lueur maligne, et il avait cru l'entendre rire, doucement, subtilement.
Il avait vu en ce rire et en son œil des promesses, et il avait déjà beaucoup fait, en ouvrant la trappe supérieure de sa prison, par laquelle il avait pu descendre; il lui avait signifié, en signes, qu'il escomptait lui donner la possibilité de s'en arracher, si elle lui confiait une partie de sa puissance et lui permettait de régner sur Paris, et il lui avait semblé qu'elle avait compris, et accepté. Mais il demeurait prudent, car il la devinait rusée. Il voulait rester le maître et se pensait plus rusé qu'elle. Au fond, il la méprisait, la croyait vieillie et faible, quoique toujours détentrice d'énormes secrets. Il pensait que son temps, à lui, était venu, et qu'il allait lui succéder. Car elle était la puissance obscure de Paris, sa volonté sourde, et par elle la ville était née, il y a des milliers d'années, même sous la férule de la fée que certains nommèrent Isis, mais n'a rien à voir avec la déesse égyptienne de ce nom.
Diënïn l'avait enfermée, avec l'aide de son fidèle ami au Gourdin d'or, et le Génie d'or avait plus tard, sous les traits d'un elfe armé, verrouillé la trappe; mais Fantômas se vantait d'avoir brisé le verrou, sans même avoir eu besoin de trouver la clef, et désormais il était en son pouvoir de rénover les temps, et de ramener les époques glorieuses du règne sans partage de la divinité sourde.
Mais il est temps, chers lecteurs, de laisser là cet épisode, pour renvoyer au prochain, quant à la suite de cette singulière histoire. La prochaine fois, nous reprendrons le cours principal, dit diégétique par les pédants, de notre récit héroïque, en présentant le combat du Génie d'or contre le Robot violet.