On s'étonne, ici ou là, que je quitte ma chère Savoie pour l'Occitanie, où j'ai demandé une mutation. Les paysages en sont tellement beaux! Et j'ai un lien tellement fort avec le vieux duché des rois sardes!
Mais j'ai l'impression d'en avoir fait le tour, après ma thèse de doctorat. Et les paysages sont surtout beaux dans la vallée de mes ancêtres, celle du Giffre, où mon père a une maison et des appartements, et où je vis depuis plusieurs mois, en attendant mon déménagement.
J'y reviendrai, et du reste, mon premier contact avec la Savoie fut cette vallée, car quand j'étais petit, je vivais dans la région parisienne, où je suis également né – et, croyez-le si vous voulez, mais quand mes parents ont déménagé, je ne voulais pas partir, j'étais heureux dans leur maison de Fontenay-sous-Bois, aux portes de Vincennes et près de son château.
Plus tard, j'ai aimé passionnément Annecy, où nous nous étions rendus. Et puis j'ai habité à Viuz en Sallaz et travaillé à Boëge, plus près de Genève, et j'en étais content. J'ai toujours été content des lieux où je vivais, et même quand j'habitais en Franche-Comté, dans le département du Jura, je voulais m'y installer, j'adorais notamment Les Rousses, où j'ai vécu.
En voyage, je suis content aussi des lieux que je découvre, et je me plais à approfondir mon sentiment en lisant des livres relatifs à ces lieux, soit qu'ils en parlent, soit qu'ils y aient été écrits.
J'ai déjà habité en Occitanie, à Montpellier. J'ai adoré sa campagne, où je me promenais de longues heures durant, et j'y ai appris l'occitan médiéval, y ai lu les troubadours, et y ai rencontré un ami musicien admirateur de Lovecraft, Ge Fit, qui a mis en musique et en vidéo plusieurs de mes poèmes, et qui représente pour moi une des amitiés les plus fructueuses de ma vie.
On serait naïf, de croire que je suis tellement attaché à la Savoie que je ne supporterais pas de vivre ailleurs. Je tiens peut-être de mes ancêtres juifs le goût du nomadisme, et le désir de parcourir la Terre à la recherche de la véritable Jérusalem – car, je l'avoue, je ne partage pas la croyance que celle-ci soit là où le monde physique la situe... Après tout, mon père a bien vu le monde idéal en Samoëns même, en la vallée du Giffre! C'est de là, je veux bien l'avouer, que vient mon amour de la Savoie – car j'aime mon père, et l'approuve d'aimer ses montagnes!
Mais j'ai découvert la région de Carcassonne, et cela a répondu en moi à un appel profondément intime, car j'ai toujours voulu découvrir les Pyrénées et leurs contreforts, c'est un pays pour moi mythique, portant en lui une
brique majeure de la Jérusalem céleste. H. P. Lovecraft a rêvé un jour qu'il était un soldat romain et qu'il découvrait, dans ces Pyrénées, un culte affreux, une divinité effrayante. Cela attire. Comme attire le reflet de ces montagnes dans La Chanson de Roland, ou dans l'épopée de Jacint Verdaguer sur le Canigou peuplé des fées, ou dans la mythologie basque que je connais un peu.
Et le paysage du Quercorb, ou de l'ancien comté de Foix, dès que s'estompent les vignes, est merveilleux, pur et vert, non infesté de modernité technique, vide de lampadaires, ouvert sur les étoiles, et il a à juste titre, comme d'ailleurs la vallée du Giffre, attiré beaucoup d'étrangers du nord, qui s'y sont installés. Du nord de l'Europe, s'entend, et moi, je fais pareil. J'évoquerai, à l'occasion, mes impressions, quant à ce paysage, ou aux villages que j'y vois. Je les aime, joyaux de pierre dans la verdure, évoquant vaguement Angkor!